Je vous avoue que la question du salaire du pape m’a toujours intriguée. Quand j’ai appris le décès du pape François en avril dernier et l’élection de Léon XIV, le cardinal américain Robert Francis Prevost, je me suis dit qu’il fallait vraiment creuser ce sujet. Entre les idées reçues et la réalité, il y a parfois un fossé que seuls les faits peuvent combler.
Absence totale de rémunération pour le souverain pontife
Contrairement à ce que beaucoup imaginent, le pape ne touche aucun salaire. Zéro euro, zéro centime. C’est le pape François lui-même qui l’avait confirmé sans détour : « Je ne gagne rien. Rien du tout. Ils me nourrissent et quand j’ai besoin de quelque chose, je leur demande. » Cette déclaration tranche avec nos représentations habituelles du pouvoir.
Le nouveau pape Léon XIV hérite donc de cette tradition séculaire. Pas de fiche de paie en fin de mois, pas de négociation salariale, pas d’augmentation à réclamer. Le concept même de rémunération pontificale n’existe tout simplement pas dans l’organigramme Vatican.
Cette particularité s’explique par la nature spirituelle de la fonction. Le pape n’est pas un PDG qui dirige une multinationale, même si l’Église catholique gère effectivement un patrimoine colossal. Son rôle transcende les considérations matérielles habituelles. En revanche, vivre sans revenus ne signifie pas vivre dans le dénuement, loin de là.
L’absence de salaire s’inscrit dans une logique de détachement des biens matériels qui caractérise théoriquement la fonction pontificale. François avait d’ailleurs choisi de résider à la résidence Sainte-Marthe plutôt que dans les appartements pontificaux traditionnels, qu’il jugeait trop spacieux. Un choix symbolique fort qui interroge sur notre rapport au pouvoir et au confort.
Prise en charge intégrale par l’État du Vatican
Si le pape ne perçoit pas de salaire, tous ses besoins sont couverts par l’État de la Cité du Vatican. Je trouve cette organisation fascinante : logement, alimentation, soins médicaux, sécurité, déplacements, voiture avec chauffeur, tous ces frais sont intégrés dans le budget annuel du Saint-Siège qui dépasse le milliard d’euros.
Cette prise en charge totale inclut des aspects que nous n’imaginons pas forcément. Les frais de représentation lors des audiences, les voyages apostoliques dans le monde entier, l’entretien des résidences pontificales, tout cela représente des sommes considérables. Le Vatican fonctionne comme un État providence personnel pour son chef.
Le statut fiscal du pape ajoute une dimension particulière à cette situation. En tant que citoyen du Vatican, il bénéficie d’une exemption d’impôt totale. Aucune taxe sur ses éventuels revenus, même les droits d’auteur sur ses œuvres littéraires échappent à toute fiscalité, que ce soit au Vatican ou dans son pays d’origine.
Cette organisation soulève des questions intéressantes sur la notion de richesse. Le pape dispose d’un train de vie exceptionnel sans posséder personnellement les moyens qui le financent. C’est une forme de luxe par procuration qui redéfinit complètement notre compréhension habituelle du pouvoir économique.
Revenus personnels et gestion des donations
Même sans salaire, le pape peut percevoir des revenus personnels, notamment grâce aux droits d’auteur. Benoît XVI avait ainsi gagné entre 4 et 5 millions d’euros avec son ouvrage « Jésus de Nazareth », dont il avait reversé la moitié à la Fondation vaticane Joseph Ratzinger-Benoît XVI. Ces sommes montrent que l’influence pontificale peut générer des bénéfices substantiels.
Les cadeaux reçus constituent une autre source de revenus potentiels. François était réputé pour revendre l’intégralité des présents au profit d’œuvres caritatives. En 2018, il avait vendu une Lamborghini pour 715 000 euros, et en 2014, une Harley-Davidson pour 241 500 euros. Ces sommes étaient ensuite reversées à des associations via le Denier de Saint-Pierre.
Cette gestion des donations révèle une approche particulière de la richesse. Le pape devient un intermédiaire entre les donateurs et les causes caritables, transformant les marques de reconnaissance en outils de solidarité. C’est une forme de redistribution qui échappe aux circuits économiques traditionnels.
Le cas de Benoît XVI après sa renonciation en 2013 illustre une situation unique. Le pape émérite recevait une allocation de retraite d’environ 2 500 euros par mois en tant qu’évêque émérite de Rome, tout en conservant la prise en charge de ses frais par le Vatican. Cette situation exceptionnelle montre que même la retraite pontificale échappe aux règles habituelles.
Comparaison avec les rémunérations du clergé catholique
Pour mieux comprendre la singularité du statut papal, il faut examiner comment sont rémunérés les autres membres de la hiérarchie catholique. Un cardinal travaillant à la Curie romaine perçoit entre 4 000 et 5 000 euros par mois, soit une rémunération décente mais loin des standards dirigeants.
François avait d’ailleurs imposé une réduction de 10% de leur rémunération en 2021, puis à nouveau en 2024, pour faire face au déficit budgétaire du Vatican de plus de 83 millions d’euros en 2023. Cette mesure d’austérité montre que même les hauts dignitaires ne sont pas à l’abri des réalités économiques.
| Fonction | Rémunération mensuelle |
|---|---|
| Pape | 0 euros (prise en charge totale) |
| Cardinal (Curie romaine) | 4 000 – 5 000 euros |
| Évêque | 3 000 euros environ |
| Prêtre (France) | 1 000 – 1 200 euros net |
Les évêques touchent environ 3 000 euros par mois, tandis que les prêtres français reçoivent entre 1 000 et 1 200 euros net mensuels, soit moins que le SMIC. Ces revenus sont financés intégralement par les dons via le Denier de l’Église et les offrandes, sans aucune subvention étatique.
Cette hiérarchie salariale révèle un paradoxe : plus on monte dans la hiérarchie catholique, moins on dépend directement d’un salaire traditionnel. Le pape, au sommet, échappe complètement au système salarial pour évoluer dans une économie de la prise en charge totale qui redéfinit notre compréhension habituelle de la richesse et du pouvoir.
